
De l’arme d’apparat ou les origines du poignard de l’armée de l’Air et de l’Espace
Alors que l’armée de terre et la Marine disposent d’armes longues de parade telles qu’épées ou sabres, l’armée de l’air est quant à elle dotée d’une arme courte, un poignard d’apparat qui a la particularité d’être le seul en service dans les forces armées françaises. Ce poignard qui fait la fierté des aviateurs et démontre leur singularité vis-à-vis des autres armées a pourtant une origine particulièrement complexe et obscure qui mérite d’être étudiée.
En 1929, avec l’aide précieuse du général Barès, le ministère de l’Air parvient à imposer une circulaire portant sur la création d’une nouvelle tenue pour les forces aériennes alors même que l’armée de l’air n’est pas encore née, cependant il n’est pas encore question de changer l’arme de parade en usage qui est le sabre d’officier de troupes à pied modèle 1923.
Cependant en 1932, afin de rompre définitivement avec l’ancien uniforme, il est décidé d’étudier un nouveau modèle d’épée comme indiqué dans la circulaire ministérielle du 10 décembre 1932. L’année suivante, une commission est mise en place sous la direction du général Barès pour étudier différentes options et c’est finalement un sabre court inspiré de l’ancien briquet d’infanterie de l’An IX qui est préconisé.
Dès lors la machine administrative est mise en branle et la direction de l’Artillerie est chargée de consulter les industriels compétents. Elle confie également le dessin de l’épée à l’artiste sculpteur M. Lasserre dont le projet reçoit l’agrément du ministre de l’Air.
Par la suite une dizaine d’entreprises sont retenues pour réaliser un modèle d’épée. Ces dernières fournissent un lot d’une dizaine de prototypes à la commission. C’est alors que le général Denain, ministre de l’Air suspend le projet.
En effet ce dernier estime que l’épée est peu pratique et est désuète pour une armée aussi moderne que l’armée de l’air. Mais les entreprises ne sont pas pour autant écartées et elles reçoivent commande pour un modèle de poignard inspiré de l’épée.
Ce nouveau projet échoue lui aussi car on juge ce poignard bien trop proche du modèle nouvellement créé pour l’armée allemande.
Loin de se décourager, le général Denain qui avait été le chef de la mission militaire française en Pologne en 1928 présente à l’armurier Pierre Foury un poignard de l’aviation polonaise. Ce dernier est identique au poignard de la Marine et de l’aéronautique impériale russe.
Foury est chargé de s’en inspirer et d’en proposer une version simplifiée. Il est à préciser qu’il est tout à fait possible que l’armurier s’est inspiré d’autres poignards pour réaliser la commande. Le dessin retenu est de ligne très pure, L’armurier Lefebvre-Lacroix reçoit la même commande mais présente un poignard légèrement différent, notamment par le fourreau et la poignée qui sont arrondis. Le modèle Lefebvre aura une courte existence puisqu’il disparaît dès 1936.
Finalement la circulaire du 20 juillet 1934 dote les officiers et les sous-officiers de l’armée de l’air d’un poignard.
Pour les officiers, la poignée est blanc ivoire et bleu pour les adjudants, adjudants-chefs et aspirants. Certains peu satisfaits du matériau choisi pour la fusée, la remplaceront par de l’ivoire. Pour les officiers, la dragonne est en cannetille alors que pour les sous-officiers elle est en soie naturelle teintée en bleu aviation.
En 1954 c’est le service des fabrications du Commissariat de l’air qui réalise le poignard et plusieurs modifications mineures sont lui sont apportées, notamment l’ajout de petites lames métalliques servant de ressort pour fixer le fourreau au poignard.
Enfin en 1979, par souci de simplification les sous-officiers supérieurs et majors reçoivent le même poignard que les officiers.
David Helleu, Enseignant chercheur, Centre de Recherche de l’École de l’air.



